Il ne s’appelait pas vraiment Georges.
Né à Alexandrie, en 1934 de parents Grecs de religion juive et de langue italienne, il eut une succession de prénoms. On le déclara à l’état civil sous le nom de Youssef mais il fut baptisé Giuseppe. Il parlera arabe avec ses camarades de rues.
On l’imagine parlant italien avec ses parents qui l’inscrivent à l’école française, sous le nom de Joseph, Jo pour les copains.
Il se passionne pour la littérature et la chanson française d’autant plus facilement que Mr. Mustacchi père tient une librairie francophone.
De Jo à Georges, il passe en France où il fait la connaissance de Brassens, même prénom, qui lui prodigue des conseils. Après avoir exercé plusieurs métiers comme vendeur de livres de poésie, journaliste, il fréquente le quartier de St Germain-des-Prés où se produisent toutes les personnalités du monde musical, puisqu’à cette époque-là, il est barman dans un piano-bar.
Le guitariste Henri Crolla lui présente alors Édith Piaf qui l’incite à devenir compositeur parolier pour Serge Reggiani, Barbara, Yves Montand.
Il crée les chansons qui seront ses plus grands succès : Ma solitude, Joseph, Milord, Ma liberté, et La dame brune, bien sûr, qu’il interprète en duo avec Barbara et dont je vous parlerai dans quelques instants.
Grand amateur de guitare, il se noue d’amitié avec Alexandre Lagoya, comme lui né à Alexandrie et d’origine familiale gréco-italienne.
Artiste engagé au moment des évènements de mai 68, il écrit, compose et interprète Le Métèque, grand succès international qui marque un nouveau début de sa carrière ainsi qu’un retour à ses origines de Pâtre Grec, de juif errant.
C’est en 1970 qu’il fait son premier grand concert en vedette à Bobino.
Ensuite viennent des compositions de source brésilienne dans son album Déclaration, de nombreuses musiques de films dont Moi je me balance que chante Barbara dans La Fiancée du pirate, film de Nelly Kaplan. Suivent aussi des écrits : Sept contes du pays d’en face (Actes Sud – 2006), des peintures.
Les voyages à travers le monde entier et les concerts se succèdent jusqu’en 2009, à Barcelone, où il explique au public que ses problèmes respiratoires ne lui permettent pas d’assurer la soirée.
Il repose depuis 2013 au cimetière du Père-Lachaise.
Georges Moustaki a une fille, Pia, née de son union avec Annick Cozannec, épousée lorsqu’il avait vingt ans et dont il mentionne brièvement l’existence dans sa chanson : Il est trop tard.
Mais revenons à notre fameuse "Dame brune"...
Dans cette chanson, la voix douce et posée de Moustaki serait le sable chaud d’une plage que les joyeuses vagues de la voix de Barbara viendraient rafraîchir, à chaque reprise de couplet.
Et à la fin, leurs voix s’enroulent l’une autour de l’autre, et l’une après l’autre se mêlent en un duo mélodieux.
Voici une anecdote racontée par Sophie Delassein, L’OBS. 12 août 2017, culture :
« Ils se sont rencontrés une de ces nuits sur la rive gauche, au gré de leurs tournées de cabarets. La chanteuse… est forcément curieuse et intéressée d’approcher cet auteur-compositeur qui a connu son heure de gloire… car Milord a fait de lui un auteur convoité. La Dame Brune, dont ils coécrivent les paroles, naît d’un charmant chantage. Georges Moustaki, qui aimait beaucoup entretenir son image de grand paresseux, racontera que Barbara possédait chez elle, rue de Rémusat, un poste de télévision devant lequel il aimait s’assoupir. Lasse de le voir affalé sur son canapé, Barbara aurait menacé de le priver de récréation cathodique s’il ne se mettait pas illico au travail. »
Les paroles, simples, s’effacent pour libérer l’envol d’un chant gracieux.
La Dame brune
Pour une longue Dame brune, j’ai inventé
Une chanson au clair de la lune, quelques couplets.
Si jamais elle l’entend un jour, elle saura
Que c’est une chanson d’amour pour elle et moi.
Je suis la longue Dame brune que tu attends.
Je suis la longue Dame brune et je t’entends.
Chante encore au clair de la lune, je viens vers toi.
Ta guitare, orgue de fortune, guide mes pas.
Pierrot m’avait prêté sa plume ce matin-là.
À ma guitare de fortune j’ai pris le la.
Je me suis pris pour un poète en écrivant
Les mots qui passaient par ma tête, comme le vent.
Pierrot t’avait prêté sa plume cette nuit-là.
À ta guitare de fortune, tu pris le la,
Et je t’ai pris pour un poète, en écoutant
Les mots qui passaient par ta tête, comme le vent.
J’ai habillé la Dame brune dans mes pensées
D’un morceau de voile de brume et de rosée.
J’ai fait son lit contre ma peau pour qu’elle soit bien,
Bien à l’abri et bien au chaud contre mes mains.
Habillée de voile de brume et de rosée
Je suis la longue Dame brune de ta pensée.
Chante encore au clair de la lune, je viens vers toi.
À travers les monts et les dunes, j’entends ta voix.
Pour une longue Dame brune, j’ai inventé
Une chanson au clair de la lune, quelques couplets.
Je sais qu’elle l’entendra un jour, qui sait demain,
Pour que cette chanson d’amour finisse bien.
Bonjour, je suis la Dame brune, j’ai tant marché.
Bonjour, je suis la Dame brune, je t’ai trouvé.
Fais-moi place au creux de ton lit, je serai bien,
Bien au chaud et bien à l’abri contre tes reins.
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