Les illustrés de mon enfance
(Deuxième partie)
Petit à petit, j’ai trouvé à la librairie-papeterie maison de la presse des illustrés en noir et blanc format plus petit que les précédents. Cela parlait de toute autre chose et j’ai vu tout de suite certaines formes de violence s’exprimer. Nous appelions ces bandes dessinées les « bouquins de cow-boys ». On y croisait des personnages hauts en couleur qui mangeaient de l’indien ou qui protégeaient des populations massacrées. Il y avait toujours des flèches ou un coup de colts six coups de tirés à chaque page. Et le bruit des détonations éclatait dans des bulles, en caractères gras, en même temps que les flèches traversaient l’image à l’aide de nombreux traits.
Les héros étaient toujours des justiciers traquant les bandits de grand chemin dont les portraits s’étalaient dans tous les villages du grand Ouest, sur une affiche où l’on pouvait lire « WANTED » et la somme.
On trouvait aussi des shérifs, représentants de la loi, chevauchant leur rapide coursier. Ils avaient la gâchette agile et, généralement, dégainaient, certains de faire mouche à chaque fois. Hopalong Cassidy et Buck John sont sans doute les plus connus.
On rencontre aussi des héros tels que Kit Carson et William Frédéric Cody (Buffalo Bill), aventuriers et éclaireurs, bravant toujours le danger, au risque d’y laisser leur peau, tant les conditions de traversée des montagnes comme les Rocheuses où les Appalaches et les grandes prairies sont semées d'embûches. Les Indiens défendent leur territoire ; chaque fois, il faut leur expliquer les raisons de ces longues colonnes d’hommes blancs armés de bâtons de feu apportant du matériel pour la construction d’interminables lignes ferroviaires et de gares que fréquentera le cheval de fer. Il faut convaincre, se montrer pacifique et expliquer. Pas si simple quand les langues ne le permettent pas et que les Indiens, chez eux, ne voient pas du tout l’utilité de tels bouleversements inquiétants.
À ce sujet, Hampton Sides écrit que « Carson ressentait le besoin de créer des réserves pour les Indiens afin de les séparer et de les protéger de l’hostilité et de la culture des Blancs. Il pensait que la plupart des troubles causés par les Indiens dans l’Ouest étaient dus aux agressions de la part des Blancs. On dit qu’il voyait les raids contre les colonies des Blancs comme étant des actes désespérés, commis dans la nécessité absolue alors que la famine régnait. Les terrains de chasse des Indiens disparaissaient au fur et à mesure de l’arrivée de vagues de colons blancs dans la région ».
Il ne faut pas non plus oublier Davy Crockett, trappeur, « l’homme qui n’a peur de rien », comme le dit la chanson.
J’ai 11 ans quand cette littérature commence à déferler sur l’Hexagone.
N’oublions pas non plus Blek le roc, force de la nature, toujours bras nus et poitrine découverte, portant une amulette autour du cou, une dent, si mon souvenir est exact. C’est un brave, agile et téméraire comme pas deux. Il vous éblouit ! Il est Français, sans conteste, puisque son premier mot est « parbleu ! » et que de nombreux propos sont accompagnés de « Tonnerre de Dieu ! »
Bien sûr, arriveront au galop, sensiblement de la même veine, mais cette fois nettement orientés vers le genre comique, les albums où l’on retrouvera des personnages hauts en couleur sans doute puisés dans l’histoire de l’Ouest : Calamity Jane, dame crainte, à la carabine leste et fumante, une sorte de terreur sans jupon, qui ne s’en laisse pas compter ; les inénarrables puits d’intelligence que sont les frères Dalton, le fameux marchand de cercueils, toujours à l’affût d’un client subitement refroidi. Et il ne sera pas possible de terminer cette galerie sans s’arrêter devant le portrait de cet attachant Lucky Luke, cow-boy doublement chanceux qui manipule à merveille le lasso et ridiculise son ombre, par sa rapidité à saisir son pétard et à tirer sans jamais rater sa cible.
En même temps, on part en voyage aux quatre coins de la planète et même sur la lune, en compagnie de Tintin, de son petit chien Milou et des inévitables fins limiers que sont Dupond et Dupont. J’allais oublier la Castafiore et l’étourdi professeur Tournesol.
Il y aura aussi Pilote, le marsupilami, Michel Vaillant…
Tous ceux dont je ferai plus tard connaissance, au bout de ma première enfance, seront un peu délaissés parce que je serai passé à d’autres genres de lectures. C’est bien normal, non ? Boulimie, boulimie ! Il faut dévorer les livres ! Moins d’images, beaucoup de textes et de passion, et des heures à tourner les pages, sans penser aux devoirs et leçons, et à lire très tard sous les couvertures. Je ne donnerai pas de noms d’auteurs, pas de titres. N’est-ce pas, Jules ? Toute cette bibliothèque me rattrapera un peu plus tard avec Astérix, le grand vizir Iznogoud, Léonard le génie.
J’en aurais oublié ? Vous les retrouverez bien tout seul !
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