Course poursuite à Chicago
En ce petit matin glacial, Jimmy Wilson, journaliste, approchant la cinquantaine, enfila ses gants, ajusta son casque et enfourcha sa moto. Il venait de s’acheter une superbe Kawasaki 900 blanche pour une somme relativement raisonnable.
Mais que venait-il faire à Chicago ?
Ah… oui… Betty ! Miss Elisabeth Carson, une jeune starlette montante, rencontrée dans un bar de Denver. Leurs regards s’étaient croisés. Ils avaient échangé quelques mots et il en était tombé fou amoureux aussitôt.
Et le voilà, à la recherche de Betty, à arpenter les rues de cette ville inconnue pour lui qui arrivait de sa banlieue au milieu du Colorado. Il décida de faire le circuit touristique qu’il avait vu sur une brochure, déplia le plan de la ville et l’accrocha sur le porte-carte au milieu de son guidon. Il appuya sur le bouton du démarreur et partit à l’aventure, s’arrêtant devant chaque cinéma dans l’espoir d’apercevoir son portrait ou son nom écrit en gros caractères. Sa quête lui prit toute la matinée, mais sans aucun succès.
Et soudain cette idée folle.
Mais d’où lui était venue cette idée ? Maintenant il était trop tard. Il ne pouvait plus revenir en arrière. Il venait de dévaliser une banque au coin de l’avenue Sunnyside dans le quartier Brookfield. Il avait tiré sur le caissier, le blessant sérieusement à la cuisse, invoquant la surprise ou la panique. Mais où avait-il récupéré cette arme ? Tout s’était déroulé si rapidement.
Pas le temps de réfléchir ! Il fallait fuir au plus vite. Il enfila son sac à dos rempli de billets et démarra en trombe. Le moteur rugit de toute sa puissance. Aussitôt, les sirènes retentirent, et une, puis deux, puis trois voitures de police se jetèrent à sa poursuite.
Jimmy accéléra. Très vite, grisé par ces longues lignes droites, il prit de la vitesse et traversa le carrefour sans s’arrêter au feu rouge. Heureusement dans le peu de circulation, il évita de justesse un cycliste puis fit un écart pour ne pas renverser un piéton. Un peu plus loin, bloqué par une camionnette en livraison et coincé par les voitures en stationnement, il n’eut d’autre choix que de se faufiler entre deux véhicules et grimper sur le trottoir, évitant prudemment les passants, contournant les obstacles devant lui, mais sans perdre la moindre seconde. Il redescendit quelques mètres plus loin sur la chaussée et reprit sa course folle. Si les voitures de la force publique se retrouvaient bloquées derrière le camion, il pourrait gagner de précieuses minutes.
Il arriva au croisement avec Washington Avenue. Un rapide coup d’œil dans son rétroviseur, puis à gauche et à droite. Un poids lourd de la société Fedex arrivait sur sa droite.
— Ne pas ralentir sinon je suis pris, pensa-t-il.
En un quart de seconde, il donna un violent coup d’accélérateur. Le chauffeur écrasa de toutes ses forces la pédale de frein. On entendit les pneus crisser sur l’asphalte. Mais le choc fut inévitable. La moto heurta le pare-buffle et fit une embardée. Par Dieu sait quel miracle, Jimmy arriva à redresser son engin, il parvint à rétablir sa trajectoire d’extrême justesse, et poursuivit sa fuite. Il tourna la tête brièvement pour constater un possible accident, mais pas de tôle froissée en vue. Il pouvait continuer.
Pour s’éloigner de la ville, il emprunta Ogden Avenue, prit un virage serré à droite pour rejoindre la bretelle sur l’autoroute I 55 vers le sud qui longe la célèbre Route 66 en direction de Joliet. La circulation était dense, mais sur la largeur des cinq voies il se sentit en sécurité. Il se mit à slalomer entre les files interminables des véhicules. Il accéléra de nouveau pleins gaz et prit ainsi une sérieuse avance sur ses poursuivants.
Après plusieurs kilomètres, alors qu’il se croyait sauvé, la pluie se mit à tomber. Une violente averse, venue de nulle part, s’abattit sur la région. Il essuya la visière de son casque d’un geste rapide et mal assuré de la main. Son regard eut du mal à fixer le tracé de la route. À plusieurs reprises, il frôla la glissière de sécurité de la bande d’arrêt d’urgence, risquant l’accident à chaque instant. Mais ne jamais ralentir ! Ses yeux se brouillèrent encore un peu plus. Il eut de plus en plus de difficultés à concentrer son attention pour éviter tous les défauts de la route et garder sa trajectoire.
Et soudain, sa moto ralentit. Il sentit alors un filet gras et humide couler le long de sa jambe. Était-ce le choc avec le camion ? De l’huile pissait de plus en plus de son moteur.
— Non, ce n’est pas possible ! Pas maintenant ! Juste au moment où j’allais les semer !
Mais la Kawasaki se mit à brouter. Jimmy, en rage, frappa de grands coups sur son guidon. Toutes sirènes hurlantes, les voitures de police n’eurent aucun mal à le rattraper. La première le dépassa et vint stationner juste devant lui dans un dérapage contrôlé. Les autres de chaque côté le coincèrent pour lui bloquer toute fuite. Aussitôt, en le menaçant de son arme, un premier policier sortit brutalement de son véhicule en hurlant :
— Hands up ! Hands up ! Je veux voir vos mains ! Ne bougez plus !
Déjà un second policier s’approchait de lui et lui passait les menottes.
— Vous êtes en état d’arrestation et ……
À cet instant précis, il reçut une tape sur son épaule.
— Alors, Papy, tu t’éclates bien avec mon nouveau jeu vidéo !!!!
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